Deux hommes travaillant pour une organisation criminelle en nettoyant une pièce dédiée aux interrogatoires musclés se retrouvent face à une nouvelle mission inattendue…
« Sorido Eopsi » (소리도 없이), ou « Voice of Silence » pour la distribution internationale, est un film dramatique sud-coréen datant de 2020, écrit et dirigé par Hong Eui-jeong. Les acteurs principaux sont Yoo Ah-in, qu’on a pu voir dans « Default » (2018) ainsi que dans « #Alive » (2020), Yoo Jae-myung, qu’on a pu voir dans « Nameless Gangster: Rules of the Time » (2012), Moon Seung-ah, qu’on a pu voir dans « Scattered Night » (2019), et Lee Ka-eun, qui fait ici ses premiers pas dans un long-métrage.
L’histoire proposée par « Voice of Silence » nous invite à suivre Chang-bok (Yoo Jae-myung) et Tae-in (Yoo Ah-in), tous deux issus de la classe pauvre de la société. Ensemble, ils vendent leur petite production d’œufs sur les marchés avoisinants. Cependant, ils arrondissent leur fin de mois en œuvrant dans une organisation criminelle. Leur fonction étant de préparer une pièce destinée à accueillir les séances de torture d’un gang mafieux local, puis une fois terminées, nettoyer les lieux, le matériel et s’occuper de la suppression du corps des victimes. Une nouvelle mission va cependant leur être affectée. Surveiller, garder Cho-hee (Moon Seung-ah), une fillette kidnappée jusqu’au versement d’une rançon. Lorsque le commanditaire de l’enlèvement va disparaître, les choses vont se compliquer. Et encore plus lorsque le père de l’enfant rechigne à payer la somme demandée…
« Voice of Silence » se présente, dans un premier temps, comme un film sombre avec un humour noir. Et finalement, dans un second temps, il s’avère être, une nouvelle fois, une critique de la société coréenne mais également une diatribe de ce qu’est la structure familiale de certaines familles. Du coup, il devient difficile de réellement cataloguer ce métrage sur la base des modèles existants. Fait intéressant, il a été accueilli positivement en Corée, aussi bien par les spectateurs que par la presse spécialisée. Il est donc fortement possible qu’il soit bien accepté à l’étranger, car finalement, les personnages peuvent rapidement apparaître comme sympathiques.
Le style choisi par Hong Eui-jeong, la réalisatrice, pour développer son thriller dramatique est plutôt original. L’activité secondaire des deux principaux protagonistes est exposée avec une certaine simplicité, et même une incontestable indifférence. Cette volonté permet de comprendre, par la suite, qu’il aborde cette activité criminelle simplement comme une manière de gagner de l’argent pour assurer leur quotidien.
En tout état de cause, Chang-bok et Tae-in sont bien loin d’être de dangereux criminels, bien au contraire, ils finissent par nous être sympathiques. Ils se retrouvent simplement positionnés à une extrémité de la société, à devoir se débrouiller par eux-mêmes dans une forme de survie. Chang-bok tente de sauver son âme à travers la lecture de la bible, tout en cherchant à rallier son jeune acolyte dans sa quête d’absolution. Tae-in est plus complexe dans son approche. Le personnage ne parle pas tout du long du récit. Rien n’indique qu’il est muet, et on ne sait finalement rien de son parcours. On peut voir dans son silence une forme de protestation. Les gens comme lui sont des invisibles aux yeux de la société. Son logement nous montre l’état de pauvreté dans lequel il vit. Pour rajouter au drame de cette vie, Tae-in a la charge de sa jeune sœur. Elle apparaît comme une clocharde, sale, mal vêtue, en rupture d’éducation, souffrant probablement de malnutrition. L’arrivée de la fillette kidnappée enclenche une forme d’évolution, apporte un début de structure et d’ordre.
Yoo Jae-myung incarne une sorte de grand-frère, un père de substitution pour Tae-in. L’acteur livre un personnage simple, cherchant simplement à bien faire le sinistre travail qui lui est confié. Yoo Ah-in interprète un jeune homme paumé, de condition modeste, qui suit bêtement son aîné. Moon Seung-ah et Lee Ga-eun, qui incarnent les fillettes, offrent de très bonnes prestations. Un sentiment familial s’installe, mais malgré les quelques moments touchants, il est cependant rappelé à différents moments que Cho-hee ne fait pas partie de cette famille, et le personnage lui-même garde à l’esprit son statut de victime, d’otage, et dès que l’opportunité se présentera, elle s’enfuira, elle dénoncera.
Enfin, Hong Eui-jeong offre à travers son scénario une critique sociale à travers un humour amer. La famille de la fillette, et plus précisément son père, négocie honteusement le montant de la rançon, argumentant que la fille ne vaut pas autant que le garçon qui aurait dû être enlevé initialement. En outre, observons qu’une histoire sombre peut tout à fait être présentée, comme l’a fait Park Jung-hoon, le directeur de la photographie, à travers des images très lumineuses et colorées. Le cinéaste soumet une longue séance de course-poursuite dans les champs, de nuit, avec un éclairage et des prises de vue originaux. Enfin, la conclusion est quelque peu abrupte tout en étant ouverte, laissant probablement le spectateur sur sa fin.
En conclusion, « Voice of Silence » est un bon thriller dramatique disposant d’une histoire originale, d’une intrigue singulière et d’un développement atypique. Le rythme est modéré, le récit est fluide et la narration est linéaire. La photographie est agréable, la bande originale orchestrée par Jang Hyuk-jin et Jang Yong-jin est sobre et le montage réalisé par Han Mee-yeon débouche sur un film de 99 minutes captivantes. La distribution offre de bonnes prestations cependant surpassées par la performance de Yoo Ah-in. L’ensemble est suffisamment caractéristique pour qu’on s’y intéresse…
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